
L’émergence des tiers-lieux doit-elle se faire en rupture avec l’éducation populaire ?
– 8 février 2025 –
Les tiers-lieux s’inscrivent dans une tradition d’espaces partagés et collaboratifs, répondant à une aspiration forte : créer des lieux ouverts, où se croisent projets, compétences et engagements citoyens.
Une dynamique récente ancrée dans l’histoire
Le concept de tiers-lieu a pris une ampleur nationale avec la mission « Coworking » du ministère de la Cohésion des territoires. Lancement stratégique en pleine crise des « gilets jaunes », ce plan a permis de structurer un réseau de 300 « Fabriques de territoire », financées pour catalyser le développement d’autres tiers-lieux autour d’elles. Ce modèle, inspiré d’expériences européennes, met en avant une vision entrepreneuriale de ces espaces.
Tiers-lieux et éducation populaire : une opposition artificielle ?
Historiquement, l’éducation populaire porte un projet social et politique, structurant ses actions à travers des corps intermédiaires (syndicats, fédérations, associations). Les tiers-lieux, eux, privilégient l’expérimentation et l’innovation territoriale, s’affranchissant de ces structures.
Si l’éducation populaire repose sur une transformation sociale issue des besoins endogènes d’un territoire, les tiers-lieux misent sur l’ »innovation ouverte », où coopérations et compétences externes s’entrelacent. Loin d’être opposés, ces deux modèles peuvent s’enrichir mutuellement.
Une mutation sociale et économique sous pression
Face aux nouveaux modèles de financement (appels à projets, subventions ponctuelles), associations et tiers-lieux doivent repenser leur fonctionnement. Les premières adoptent souvent des logiques marchandes par contrainte, s’éloignant de leur vocation initiale pour devenir des « prestataires » de service public. Quant aux tiers-lieux, leur autonomie est en tension permanente, oscillant entre résistance aux logiques descendantes des politiques publiques et recherche d’un modèle pérenne.
Le défi n’est plus seulement économique, mais bien de structurer une dynamique collective durable, capable de maintenir une vision à long terme sans sacrifier son ancrage social.
Vers une nouvelle culture de la coopération
L’accélération du développement des tiers-lieux s’est surtout faite par des logiques de financement et de management rapides, occultant parfois la lente et indispensable construction d’une culture commune de la coopération.
Pourtant, les enjeux sont clairs :
- Comment garantir l’autonomie et la pérennité des tiers-lieux une fois les financements d’amorçage épuisés ?
- Comment articuler leur logique d’innovation ouverte avec l’objectif d’émancipation sociale porté par l’éducation populaire ?
- Quels modèles hybrides inventer entre secteur marchand et non marchand ?
Plutôt que d’opposer ces dynamiques, il est temps d’explorer leurs points de convergence et de renforcer les ponts entre ces espaces.
L’engagement de Sagiterre : des lieux ancrés et au service du bien commun
Chez Sagiterre, nous sommes convaincus que les tiers-lieux ne doivent pas se réduire à de simples laboratoires économiques. Ils peuvent être des espaces d’expérimentation collective au service de la transition écologique et sociale, en s’appuyant sur l’intelligence collective.
Nos actions s’articulent autour de plusieurs axes :
- Favoriser la coopération locale : En travaillant en synergie avec les acteurs locaux, en facilitant la mise en réseau des initiatives locales, en renforçant ainsi les liens sociaux et en encourageant l’engagement citoyen.
- Co-construire des solutions adaptées : Grâce à une approche participative, l’association co-construit des solutions innovantes et adaptées à chaque contexte territorial, en impliquant activement les habitants et les professionnels du territoire.
- Accompagner les transitions territoriales : En favorisant l’émergence de lieux réellement ancrés dans leur territoire et au service du bien commun, contribuant ainsi à dynamiser les territoires et à créer de nouvelles dynamiques sociales.
- Accompagner la mise en œuvre d’un modèle économique hybride et pérenne (mutualisation des ressources, diversification des activités…), ainsi qu’une gouvernance participative assurant une implication locale forte. L’enjeu est de concilier ancrage territorial, innovation sociale et autonomie financière pour inscrire durablement ces espaces dans l’économie sociale et solidaire.
Mettre l’humain au cœur des dynamiques locales, miser sur la coopération et la solidarité : telles sont les valeurs qui animent notre action pour des territoires durables et solidaires.
C.Boughattas