
Une autre méthode pour construire ensemble : L’impact collectif appliqué aux territoires populaires et à la représentativité des populations par le tirage au sort
1. CONTEXTE ET ENJEUX
L’association Sagiterre, en lien avec des associations et acteurs de l’économie sociale et solidaire, expérimente depuis plusieurs années, des approches collaboratives dans les quartiers populaires. Inspirée de l’impact collectif (*), toutes ces démarches reposent sur le constat qu’aucun acteur isolé ne peut générer seul des changements sociaux durables. L’objectif étant de fédérer les parties prenantes locales (habitants, collectivités, associations, institutions…) pour co-construire des solutions adaptées aux réalités des quartiers et favoriser l’émergence de collectifs (associatif, coopératif…) d’habitants, comme levier de développement sociale et économique d’un territoire.
2. MÉTHODOLOGIE MISE EN OEUVRE
Préalablement à toute démarche, nous avons été attentif à penser la composition du collectif pour faire participer ceux que l’on voit le moins
Et, pour dépasser les difficultés récurrentes de mobilisation, nous en somme progressivement venu à la conclusion que, le tirage au sort est un outil qui peut contribuer à la constitution d’un collectif (panaché avec d’autres méthodes ou pas) si cen’est représentatif, au moins divers en termes de profils d’habitants.
Pour être efficace, ses objectifs doivent être définis en amont par les parties prenantes, pour éviter des débats sur la représentativité du collectif et donc de compromettre sa légitimité.
Les modalités retenues pour le tirage au sort doivent permettre d’assurer la présence des personnes les plus éloignées des processus démocratiques, notamment les jeunes.
Associés à des habitants volontaires, les nouveaux membres ont pu bénéficier de l’expérience d’habitants expérimentés à laco-construction, engagé dans des associations et/ou la vie des quartiers.
Pour cela nous avons préalablement :
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- Défini les objectifs du tirage au sort.
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- Prévu les règles de remplacement, la durée de l’engagement, les outils de transmission de l’expérience entre lesmembres.
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- Intégrer ces modalités à une charte de fonctionnement
Nommer la participation pour garantir l’engagement
L’objectif dans ce contexte, n’est plus seulement de donner la parole aux habitants, mais aussi et surtout de clarifier leur rôle et leur pouvoir de décision dans la gouvernance des projets. Aujourd’hui, un habitant qui s’engage doit savoir où, quand et comment il peut agir, ainsi que l’impact réel de sa participation.
Sans cette transparence, notre expérience nous a montré que la frustration et le désengagement étaient au rdv. Il est donc essentiel d’établir des règles claires sur les attentes, les responsabilités et les marges de manœuvre de chacun. Une participation bien définie permet une implication durable et efficace.
Les désaccords (inévitables !) ne doivent pas être perçus comme un obstacle, mais comme une richesse du débat collectif. Pour éviter les blocages, il faut aussi savoir anticiper ces tensions en rendant les règles de prise de décision accessibles et compréhensibles pour tous dès le départ.
Actions concrètes mises en œuvre pour structurer cette mobilisation :
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- Nommer un garant de la participation chargé de veiller au respect des engagements et du cadre participatif.
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- S’appuyer sur les démarches existantes en valorisant les expériences réussies et en intégrant les bonnes pratiques.
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- Définir clairement le niveau de participation attendu pour chaque acteur (consultatif, décisionnel, exécutif…).
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- Expliciter les processus de décision : qui décide quoi, comment et avec quelle légitimité ?
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- Plusieurs axes résumés ici, ont été privilégiés dans nos démarches d’ingénierie sociale :
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- Structuration de dynamiques collectives : mobilisation des habitants et des acteurs locaux autour de projets communs.
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- Expérimentation de nouvelles formes de coopération locale : mutualisation des ressources, co-construction et évaluation continue.
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- Formation et accompagnement des acteurs : sensibilisation à la gouvernance partagée et à la coopération dans un territoire.
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- Renforcement des capacités des habitants : implication active dans les instances de décision et montée en compétences.
3. QUELQUES ENSEIGNEMENTS
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- Les expérimentations ont démontré plusieurs impacts « partiels » positifs :
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- Renforcement de l’implication citoyenne : les habitants se mobilisent durablement autour de projets qui répondent à leurs besoins.
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- Meilleure coordination entre acteurs : réduction de la disparité des initiatives locales grâce à une vision commune et des processus de décision partagés.
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- Approche transposable et reproductible : les modèles testés peuvent être adaptés à d’autres territoires en France et en Europe.
4. NOS PRÉCONISATION POUR GARANTIR LA MÉTHODOLOGIE ET SA PÉRENNISATION
Plusieurs recommandations clés émergent des expérimentations menées :
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- Définir clairement la participation des habitants : préciser leur rôle, leur pouvoir de décision et leur place au sein des instances de gouvernance.
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- Former et accompagner les acteurs locaux : renforcer la coopération entre acteurs, collectivités et associations en favorisant une culture commune du “faire ensemble”.
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- Encourager la diversité et l’inclusion : mobiliser les publics les plus éloignés des processus démocratiques, notamment les jeunes, en diversifiant les modalités de participation (tirage au sort, mentorat citoyen, etc.).
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- Structurer une gouvernance partagée et efficace des dispositifs et processus : clarifier les modalités décisionnelles, désigner des garants de la démarche participative et garantir des espaces de dialogue réguliers.
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- Assurer des moyens financiers et logistiques : allouer un financement spécifique et pérenne pour sécuriser le fonctionnement des collectifs locaux et éviter l’essoufflement des dynamiques participatives (Fond de Participation des Habitants, budget municipal dédié…).
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- Évaluer et valoriser les démarches : mettre en place un suivi des effets de l’expérimentation et partager les enseignements pour nourrir les politiques publiques.
5. OUTILLER LES PARTIES-PRENANTES EST FONDAMENTAL
Les nombreuses expériences de participation/mobilisation des habitants constituent des ressources, qui doivent nourrir les démarches à venir. La capitalisation et surtout la valorisation de ces ressources doit être structurée et rendue accessible à tous. Les aspects logistiques d’une démarche participative ne doivent pas phagocyter les dynamiques à l’œuvre, tant cellesportées par les habitants que par les professionnels.
Nous proposons pour cela de :
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- Créer une base documentaire sur les expériences innovantes de démocratie citoyenne, par quartier, par ville.
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- Valoriser les différentes expériences et formats de la participation, les croiser et les modéliser.
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- Diffuser des outils.
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- Organiser des temps de rencontres entre les habitants et avec les acteurs dans les territoires, pour permettre la reconnaissance et l’échange de pratiques.
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- De coconstruire des formations professionnelles fruit de ces expériences à destination des professionnels et des habitants.
6. PERSPECTIVES ET ESSAIMAGE
Les expériences ont illustré l’intérêt d’une diffusion à plus grande échelle. Un déploiement à l’échelle Française et Européenne permettrait :
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- L’échange de bonnes pratiques entre territoires confrontés à des enjeux similaires.
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- La consolidation d’un réseau d’acteurs engagés dans l’expérimentation sociale et économique.
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- La mise en place d’un cadre de coopération transnationalestructuré autour des principes de l’impact collectif (dans le cadre d’Erasmus+ par ex).
CONCLUSION
Les expérimentations menées par Sagiterre et ses partenaires, montrent que l’impact collectif peut être un levier puissant pour transformer durablement les quartiers populaires, à condition qu’il s’inscrive dans la durée et soit porté stratégiquement par les acteurs locaux dans leurs projets et modes d’interventions. En s’appuyant sur l’engagement des habitants et des acteurs locaux, ces approches « nouvelles » favorisent la coopération, l’innovation sociale et l’entrepreneuriat solidaire. Une coopération entre les territoires et aussi à l’échelle européenne, permettrait de renforcer et d’amplifier ces dynamiques, en faisant des quartiers populaires de véritables laboratoires d’innovation territoriale.
* Rappel du contexte dans lequel s’inscrit la notion d’impact collectif dans les quartiers populaires
Développée aux Etats-Unis depuis 2011, cette approche repose sur le constat qu’aucune organisation isolée ne peut parvenir à générer à elle seule des changements sociaux de grande ampleur. Il s’agit d’une approche intégrée qu’adopte un regroupement d’acteurs à l’échelle d’un bassin de vie ciblé, afin de s’emparer d’un enjeu complexe et de générer des effets concrets et significatifs sur la population à l’échelle d’un quartier (impact social). L’impact collectif conduit à appréhender la complexité sans vouloir la maitriser, à explorer des stratégies pour faire évoluer les programmes et les systèmes, et à considérer autrement l’implication de chacun par une collaboration de confiance. L’ANCT a lancé en avril 2022 une expérimentation nationale sur les démarches de coopération dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, appuyée sur l’approche d’impact collectif.
C.B
Mars 202
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